2021 : L’avènement des managers de cœur

2021 : L'AVENEMENT DES MANAGERS DE COEUR. 

 

L’entreprise est un être vivant. Comme tout un chacun, elle est conçue, voit le jour, grandit, passe par des crises de croissances, des années fastes et des années difficiles. Elle peut fusionner, devenir société-mère, donner la vie à des sociétés-filles. En revanche, contrairement à l’être humain, elle n’est pas programmée pour mourir et peut même survivre à ses créateurs, à ses descendants pour devenir centenaire, bicentenaire, voire présenter une longévité exceptionnelle.

Elle doit néanmoins se nourrir pour vivre et prospérer dans un monde sans état d’âme. Même si certaines d’entre elles prennent goût à la domestication en profitant de subventions ou prolongent leur vie artificiellement, telles des zombies, à coup de financements pour tenir quoi qu’il en coûte, la grande majorité des entreprises ne vivent que de leurs propres revenus. Elles décident d’investir ou non et assument leurs décisions pour le meilleur ou pour le pire.

Par ailleurs, un nouveau courant voit le jour, celui de la moralité. L’entreprise, hier amorale, se découvre aujourd’hui morale.  Alors qu’elle n’avait comme vocation naturelle que d’enrichir ses actionnaires (en contrepartie du risque pris par ceux qui en cru en elle) et de rémunérer le travail de ses salariés, elle devient socialement, écologiquement et humainement « responsable ». Bien qu’en compétition permanente, elle cherche à se singulariser par sa moralité devenue une pièce maîtresse de son écosystème : clients, fournisseurs, salariés. Mieux encore, sa raison d’être devient une valeur cardinale gravée dans ses statuts. Mais ces évolutions apparaissent encore souvent comme des habits qui rendent l’entreprise plus présentable plutôt qu’une réelle transformation de son ADN.  

En cohérence avec ces évolutions, le management s’adapte. Basé hier sur les objectifs et la performance individuelle, il se libère du joug des croyances du passé. Trouver un sens à son existence, accoucher de sa raison d’être, jouer collectif devient essentiel au sein de chaque équipe. La dimension émotionnelle, parfois spirituelle, pénètre dans les référentiels managériaux et ceux du leadership. En parallèle, le développement personnel et la stratégie s’hybrident dans les cabinets de conseil. Assimiler l’entreprise à un être humain devient de plus en plus pertinent, avec cependant une dernière porte à ouvrir en grand et pas des moindres : celle des sentiments. Mais attention au piège qu’il faut déjouer. Jacques Séguéla déclarait un matin sur une radio à l’occasion de la sortie de son livre sur l’écologie que « les entreprises ont un cœur ». Rires dans le studio, il ajoute alors « car c’est leur intérêt… ». Et là, il se plante, car depuis que l’homme et la femme existent, on aime parce qu’on aime, tout simplement. Et ce n’est pas en France, pays des love stories, qu’on nous fera avaler ce concept de sentimentalité calculée.  

Pour parachever ce parallèle avec l’être humain, l’entreprise, commence à découvrir - presque malgré elle - cette force qui procure à l’homme une part essentielle de sa vitalité : celle des sentiments. Or, s’il est un champ que l’entreprise, a laissé en jachère, c’est bien celui-là. Cette lacune est très dommageable car, excepté quelques cas isolés, sans la puissance des sentiments, le cœur des entreprises ne bat qu’au ralenti et les résultats s’en ressentent. Ce champ des sentiments est même celui qui offre le meilleur rendement, pour parler le langage du financier. Pourquoi, dès lors, ce déficit de « sentimentalisation » de l’entreprise est-il resté aussi prégnant ? Essentiellement pour des raisons culturelles, celles qui façonnent l’éducation de nos dirigeants et qui accordent au rationnel la supériorité absolue par rapport à une conception « fleur bleue » qui assimilerait la vie de l’entreprise à un feuilleton à l’eau de rose. Plutôt dès lors se priver de la vigueur surhumaine de l’amour qui rend les David plus forts que les Goliath.  

Toutefois, l’enveloppe commence à se déchirer et les entreprises qui osent revendiquer cette dimension sentimentale deviennent plus nombreuses et se sentent pleinement vivantes jusqu’au dernier instant. C’est (re)trouver cet élan vital qui anime les enfants, les résistants et les amants qui va intéresser toute entreprise pour gagner et surmonter les épreuves que lui impose la vie comme le marché. Nous sommes bien au-delà de l’opportunisme du publicitaire qui, en le manifestant maladroitement, anéantit d’un seul coup le potentiel de sentimentalité de l’entreprise.

Alors comment faire pour poursuivre ce mouvement et bénéficier des apports de l’entreprise sentimentale ? Je propose de distinguer cinq axes de travail utiles aux dirigeants pour devenir des managers de cœur.

  1. Explorer un nouveau leadership inspiré de la force des comportements sentimentaux pour enrichir leurs compétences. Le manager fera preuve d’audace. Il abordera des marchés, secteurs, business inconnus. Il fera aussi confiance à son intuition, sans trop se soucier des quand dira-t-on. Il s’attachera aussi à savoir si cela va de mieux en mieux ou moins en moins mal ce qui, en mathématiques, revient à chercher des dérivés secondes positives.
  2. Tirer les enseignements de la crise de la COVID pour discerner l’essentiel de l’important et rebattre les priorités. Le manager :
  • Développera plus de résonance (CF Harmut Rosa), cette capacité à toucher, émouvoir, faire écho… que de raisonnements pour démontrer, argumenter.
  • Fera plus de dons gratuits que de « donnant-donnant » pour développer viralement la générosité.
  • Sera plus authentique que « politique » pour engager ses équipes.
  • Investira plus dans « l’être » (ie la sécurité active) de l’entreprise que dans « l’avoir » qui tient de la sécurité passive pour accélérer ses projets en sécurité.
  1. S’affranchir des croyances ancrées dans les esprits, considérés comme des vérités immuables, mais qui freinent l’imagination :
  • La croyance qu’il faut sans cesse choisir dans le ‘Ou’ plutôt que dans le ‘Et’.
  • La croyance qu’il faut se soumettre ou se démettre, celle qui prétend qu’il faut se priver pour réduire les coûts alors que la frugalité le permet,
  • La croyance que la fatalité tue alors que c’est le fatalisme qui conduit aux accidents.
  1. Parcourir le blog l’Entreprise Sentimentale édité sur le site de l’Usine Nouvelle. Ce blog dont le nom s’est imposé comme une évidence (comme celui qu’on donne à un enfant) compte 25 articles un an après sa création et explore tout ce que nos sentiments amoureux, amicaux, paternels, maternels, fraternels… transposés aux entreprises lui apportent comme bénéfice.
  2. Diffuser largement cette approche par tous les moyens : conférences, séminaires, cas concrets à la maison du management.

 

Ludovic Herman pour la Maison du Management

 

 

 

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Ludovic HERMAN

Ludovic Herman est consultant en management et coach certifié (CT38). Il travaille depuis plus de 25 ans pour libérer le potentiel des entreprises et des organisations publiques en travaillant sur le facteur humain. Il intervient auprès d'équipes dirigeantes, équipes de grands projets ainsi que pour des collectifs de managers. Il tient depuis 2020 le Blog l'Entreprise Sentimentale sur le site de l'Usine Nouvelle qui décode ce qui fait battre le cœur des entreprises. Il contribue activement au collectif de passeurs agissants de l'entreprise sentimentale (https://www.entreprisesentimentale.fr/equipe)

 

 

 

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