Prise de note sans prise de tête # 6 : Co-construire la ville intelligente

CO-CONSTRUIRE LA VILLE DE DEMAIN

 

Prise de notes sans prise de tête

de la WebConference de Jean-François LUCAS

par @Cecilia Vendramini @La Maison du Management

 

La Maison du Management recevait le 25 mars 2021, Jean-François Lucas, sociologue de la ville numérique et de l’innovation et consultant-chercheur dans un cabinet spécialiste de l’innovation territoriale, sociale et urbaine pour découvrir le regard qu’il porte sur la ville intelligente.

Commençons par une définition. « Une ville dite « intelligente » est une ville dans laquelle le quotidien des habitants a vocation à être amélioré sur le plan environnemental, social, économique ou encore politique, par la numérisation de ses infrastructures, de ses réseaux et de ses services, et leur optimisation par le recours au Big Data. » (1)

Parler de ville intelligente, c’est donc parler d’éclairage selon les besoins, d’informations en temps réel, d’optimisation de la gestion de l’eau, de réduction des déchets, de la réduction (drastique) de la dépense énergétique, de circuits courts et même de démocratie locale avec une offre pléthorique d’outils numériques pour favoriser la concertation locale, faciliter le vote, trouver des financements participatifs, etc.

 

Mais parler de ville intelligente c’est surtout aborder des questions profondes qui relèvent d’une vision définitivement politique de la ville, de la vie. Deux questions m’ont semblée tout particulièrement passionnantes – et complexes – j’aimerais les partager avec vous avec quelques commentaires.

 

  1. Faut-il vraiment placer l’humain au cœur des villes intelligentes ? Ne s’agirait-il pas, plutôt, de mettre la nature au centre ?

Les déclarations pétries de bons sentiments pour « Placer l’humain au cœur de nos préoccupations » gangrènent le discours des organisations et n’épargnent pas les acteurs de la ville numérique. Généralement peu – ou pas – suivies d’effets, elles tiennent plus de la méthode Coué que de l’engagement réel et sincère. Après le greenwashing et le socialwashing, voici venu le temps de l’humanwhashing.

Mais Jean-François Lucas s’interroge, à l’heure de l’urgence climatique et de la menace qui pèse sur notre biodiversité, ne faut-il pas mettre la nature au cœur de la ville et voir en l’être humain un chainon de l’écosystème plutôt qu’un personnage central ?

 

  1. La ville intelligente peut-elle avancer sans un consensus éthique ?

La question du numérique responsable est de plus en plus souvent posée. En réalité, la notion de « responsabilité » dépasse largement le cadre du seul impact environnemental. Le numérique responsable soulève des questions liées à l’inclusion (l’accessibilité), à la sécurité (vol d’identité, de données, etc.) et à l’éthique (usage, biais, transparence).

A l’instar de la consommation responsable, le numérique responsable se définit dans la sobriété de son usage.

S’agissant de villes numériques, de premières chartes voient le jour en France comme celle de la métropole de Nantes, pour laquelle des citoyens ont émis au préalable des préconisations citoyennes pour l’usage des données dans les rues connectées (2). Elles montrent que la ville véritablement intelligente se construit grâce au pouvoir d’agir de ses acteurs.

Oui techniquement, la ville intelligente peut avancer sans un consensus éthique (les Chinois y parviennent à merveille), mais elle ne doit pas. Les expériences du passé ont montré qu’il était rarissime qu’une société fasse marche arrière. Autrement dit, tout ce qui n’a pas été réfléchi avant, ne sera pas modifié après.

 

Et Jean-François, de rappeler la nécessité de co-construire la ville en offrant à ses acteurs les capacités de discernement et de choix, des capacités opérationnelles internes aux différentes organisations ainsi que des capacités de coopération et de régulation entre elles.

Alors, qui du numérique ou des citoyens fera que la ville sera réellement intelligente ?

 

 

 

(1) Source : JF LUCAS, Pour une fabrique des imaginaires de la smart city (2018)  Études digitales, n°6, Religiosité technologique (Vol. 2), pp.53-76.

(2) https://www.iledenantes.com/decouvrez-les-preconisations-citoyennes-pour-lusage-des-donnees-dans-les-rues-connectees/

(3) www.datacites.eu

 

 

Notre expert :

 

Jean-François LUCAS : 

Sociologue consultant-chercheur chez CHRONOS // Chercheur associé au Laboratoire de sociologie urbaine (LaSUR) // École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL)

Jean-François Lucas est chercheur et expert en sociologie du numérique, de la sociologie urbaine, de l’urbanisme, de la sociologie des sciences et des techniques et de la sociologie de l’innovation.

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